un exécutoire (12)

Publié le par Romane Jacobus

 

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Mercredi 18 août

 

Ce matin, il y avait un gentil mail de mon ange. Il me traite de flemmarde, mais il peut parler. Je crois qu'à côté, je suis hyperactive.

 

Après les vacances de février, j'avais de plus en plus de mal à aller au travail. Il m'arrivait parfois de pleurer, ce que je pensais de fatigue sur le trajet de l'école au travail.


J'évitais au maximum l'ambiance lourde des réunions d'équipe en m'arrangeant pour recevoir les usagers pendant ce temps avec la complaisance de ma chef. Néanmoins, de ma place, j''en avais toujours des comptes-rendu qui m'affectaient de plus en plus.

Rétroactivement, alors que je pensais berner tout le monde sur mon état psychique, je pense n'avoir leurrer personne au travail ou si peu. Après coup, je me rends compte que mes deux adorables collègues de bureau me servaient surtout de nounou.

Lorsque j'avais repris mon travail, contrainte et forcée, j'avais pensé, comme lors de mon précédent retour, que j'allais m'éclater dans le plaisir de faire mon travail. Il n'en était rien.

 

De son côté, Roman régressait de nouveau. Les rares progrès au niveau de l'attention et du langage, des derniers mois, s'étaient envolés.

Depuis plus deux ans nous étions sans cesse dans ses cycles de progression/régression tous liés à mes cycles d'hospitalisation/convalescence/reprise de travail.

A 18 mois, Roman était un petit garçon joyeux (ce qu'il est en partie toujours). Comme tout troisième enfant avec autant de différence d'âge avec ses aînées, au niveau psychomoteur, il n'était pas spécialement en avance car, il y avait toujours des bras pour lui faciliter la vie, mais il savait faire preuve d'une agilité étonnante pour escalader son lit ou ouvrir des portes. Au niveau du langage, entouré d'adulte, il s'amusait à répéter les mots les plus difficile à prononcer pour son âge. Son mot préféré était moutarde qu'il désignait lorsque j'en déposais un pot sur la table. En vacances, Il disait avec fierté connaissant notre réaction, « Ile de Bréhat »en montrant la photo de l'île accrochée au mur du salon.

C'était un petit garçon de 18 mois comme les autres.

 

La soirée, la veille de mon hospitalisation, en 2007, après avoir passé une journée de zombie au travail, alors que je revenais de vacances, je passais ma soirée au lit brulante de fièvre.

Le lendemain j'allais mieux et décidais d'amener qu'en même Roman à la crèche avant d'aller chez le médecin. Puis, je fus prise d'une douleur fulgurante dans le bas ventre, je rejoignais Roman qui parlait à ses doudous et m'allongeais à côté de son lit à barreau, en lui tenant la main en attendant que mon mec revienne du travail pour l'amener à la crèche. Il comprenait pas trop ce que je faisais allongée contre son lit, lui tenant la main. Cela le faisait sourire: un nouveau jeu de sa maman.


Je pensais, comme les médecins, pendant quelques heures à l'hôpital, que je faisais une crise d'appendicite aiguë et Roman partit à la crèche avec le discours rassurant d'une maman qui lui disait qu'une fois opérée, il pourrait venir à l'hôpital mettre le bordel dans le service.

Je fus presque deux semaines sans le voir parce qu'un putain de drain plus gros qu'une paille Mc Do était plantée dans mon ventre.


Pendant presque deux mois, en attendant le feu vert de mon chirurgien, je ne pus le porter. Certes, je pouvais lui donner le biberon du matin mais lui voulait plus que cela: il voulait ce corps à corps qu'il aimait tant, me serrer fort et avec la brusquerie d'un enfant de son âge qui ne sait pas mesurer sa force lorsqu'il veut montrer son amour.


Certainement, il ressentait ma réserve de ne pas me faire mal. Je m'allongeais souvent contre lui et le serrais fort contre moi. Mais lui n'en avait que cure, il voulait que je le porte et le berce quant il pleurait. Il voulait danser dans me bras et rire aux éclats comme nous aimions tant le faire avant.


Un des plus beau et émouvant jour de ma vie fût lorsque sortie d'une visite de contrôle à l'hôpital, j'allais le chercher à la crèche. Il jouait dehors, il fût surpris de me voir. L'éducatrice, qui s'était aussi occupée de mes deux filles et qui me connaissait bien, l'accompagna dans la salle. Je me tenais accroupie, à hauteur de Roman et tendait les bras. Il hésita un court moment et vient tout contre moi. Je le serrais dans mes bras et me levais. Je ne voyais pas son visage, mais je sentais et on me dit qu'il rayonnait. Moi, je pleurais doucement. Le temps était comme suspendu. Je ne sais pas combien de temps cette étreinte dura. Peut-être pas si longtemps que je l'imagine.

Je ne voyais pas le visage de Roman mais je lisais l'émotion dans le regard de l'éducatrice de jeune enfant.

Plus tard, elle me dit qu'elle n'avait jamais vécu moment plus émouvant de toute sa carrière.

Nous sortîmes tous les trois de la crèche, balayant la prochaine opération de notre tête, son père et moi, joyeux et ayant foi en l'avenir.


J'arrête d'écrire pour cette nuit parce qu'à chaque phrase, je suis submergée par l'émotion à me remémorer ces moments. Mais cela fait du bien de déverser ce trop plein. L'écriture est pour moi un exécutoire sain de ce trop plein d'émotion.

Je ne sais pas, par contre, si j'arriverai à faire passer cette émotion auprès de mes très rares lecteurs. Je l'espère en tout cas ne serait ce que pour avoir un retour, ne serait ce qu'un peu empathique, une bonne chance pour la suite et l'avenir de mon petit homme.

 

En tout cas, bonne nuit à tous.

 

 


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